Portrait du diable en chapeau melon
Serge Brussolo

Dans une ville étrange, des hommes et des femmes vivent comme des bébés, surveillés par des nurses androïdes ; leur alimentation droguée les maintient dans cet état de première enfance. Depuis combien de temps et pourquoi vivent-ils ainsi enfermés, à l'écart de la société ? De l'autre côté du mur, Sirio accumule les preuves depuis des années : il sait, ou croit savoir ce qui s'est passé. Avec son théâtre de marionettes ambulant, il prend donc le chemin de Funnyway, l'ancienne prison gardée par un nuage gazeux. On apprend peu à peu que la cité d'Almoha aurait été ravagée par un nuage ayant déclenché une effroyable épidémie de permutation moléculaire : des femmes auraient accouché d'animaux et ces animaux d'enfants humains qu'il fallait dissimuler. Puis les années passant, certains crurent à une secte, à l'avènement d'un messie issu de Funnyway.
Nous avons à faire là à du grand Brussolo, celui qui sait manier les mots et créer une ambiance des plus glauques, hallucinée, où la réalité rejoint la folie sans frontières rassurantes. Bienvenue à Funnyway ! Quel dommage que vous n'ayez assisté à la fête où tout les lots étaient gagnants, il n'y avait qu'a choisir : "des bocaux pleins de formol renfermaient des foetus gesticulant qui tambourinaient contre la paroi de verre en montrant des dents acérées, prêtes à déchirer, des coffrets surprises enrubannés gonflés d'une tripaille grouillante, côlon ou intestin grêle, qui se mettait à ramper sur vos genoux, autour de votre cou comme si elle avait été apprivoisée. Des pieds et des mains gangrénées, pauvres rebuts d'ablations successives, qui sautillaient sur vos talons...". Ambiance garantie par un grand artiste des mots.

Portrait du diable en chapeau melon, Serge Brussolo, Denoël (Présence du Futur), 1982, 183 pages